Bill Gates, le philanthro-capitaliste, entre fausse générosité et méritocratie en carton
Simon Verdière – Mr Mondialisation
Bill Gates, qui fut longtemps l’homme le plus fortuné du monde, est souvent présenté par les libéraux comme un modèle de réussite et de méritocratie. Il faut dire que le fondateur de Microsoft a su se bâtir une belle réputation grâce à sa prétendue générosité et sa philanthropie. Un portrait flatteur pourtant bien plus simpliste que la réalité.
Le richissime Américain s’inscrit dans la droite ligne de ces grandes personnalités régulièrement vantées par les défenseurs du capitalisme. Il est l’épouvantail du « quand on veut on peut » et alimente l’idée que tout le monde peut rêver d’être milliardaire.
Élevé dans l’opulence de la haute bourgeoisie
Comme dans l’immense majorité des cas, Bill Gates n’est pas parti de rien. C’est même un euphémisme. Son père était en effet un très riche avocat d’affaires à la tête de l’un des cent cabinets les plus puissants d’Amérique. Quant à sa mère, elle était professeur d’université, mais aussi issue d’une famille d’importants banquiers.
Autant dire que le jeune Bill n’a jamais eu la moindre idée de ce que signifiaient des difficultés financières. Il a d’ailleurs reçu une éducation de grande qualité en étant scolarisé au lycée privé de Lakeside à Seattle, l’un des établissements les plus chers de la région. C’est ici qu’il a eu l’opportunité de découvrir l’informatique.
Il entre ensuite dans l’une des plus prestigieuses universités du monde : celle d’Harvard. À l’époque, il faut débourser pas moins de la moitié du salaire annuel d’un Américain moyen pour pouvoir intégrer cette faculté. Pas un problème pour ses riches parents. À tel point que Bill Gates se permet de luxe d’abandonner ses études au bout de deux ans, avant même d’avoir été diplômé.
Le contrat en or grâce à maman
Après avoir quitté son université, Bill Gates fonde alors Microsoft en 1975, accompagné de son ancien camarade de lycée, Paul Allen. Malgré quelques réussites en codage informatique, l’entreprise vivote les premières années. C’est en 1980 que son destin va basculer.
Il se trouve qu’à ce moment, sa mère fait partie du conseil d’administration de l’organisation de bienfaisance, United Way, tout comme John Opel, le président de la société IBM. À l’époque, la firme cherche quelqu’un pour lui fournir un système d’exploitation. Et Microsoft est loin d’être le seul candidat. Mais la mère de Bill Gates fait jouer son amitié avec John Opel pour que l’entreprise de son fils soit choisie.
Le plus fou c’est que Bill Gates n’a alors aucun système d’exploitation dans les cartons et qu’il ment à John Opel en prétendant en avoir un. Il fait donc appel à une vieille connaissance, un ingénieur qui, lui, a mis au point un système d’exploitation intitulé Q-DOS. Pour 25 000 $, Microsoft le rachète en partie et le renomme en MS-DOS. L’année d’après, l’entreprise ajoute 50 000 $ pour obtenir l’intégralité des droits de la conception qui sera à l’origine de la fortune colossale de Bill Gates et qui sera utilisée pendant près de 20 ans.
C’est plus à son talent de négociateur qu’à son génie informatique que Bill Gates doit sa richesse. À l’époque, il parvient en effet à convaincre IBM de ne pas acquérir MS-DOS, mais de lui verser 3 $ de royalties pour chaque ordinateur vendu avec le système d’exploitation. Une aubaine puisque, à ce moment-là, les machines IBM s’achètent en grosse quantité. En à peine trois ans, Bill Gates se retrouve à la tête d’une entreprise qui pèse plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel. Grâce à un programme dont il n’a pas écrit une ligne.
Accusé d’avoir copié Apple
Mais l’histoire ne s’arrête pas là, puisque Microsoft va finir par devenir incontournable grâce à son système « grand public » Windows. Pour y parvenir, la firme a repris l’interface graphique d’un concurrent : Apple, qui le tenait lui-même d’une autre compagnie, le fabricant de photocopieuse Xerox.
Seulement, les « emprunts » de Microsoft ne sont pas du goût d’Apple qui le poursuivra en justice par deux fois. Cependant, faute de moyens financiers, la société alors au bord de la faillite finit par abandonner et va même jusqu’à nouer un partenariat avec son concurrent.
Ses méthodes commerciales extrêmement agressives vaudront aussi un procès à Bill Gates de la part de l’État américain qui lui reproche d’abuser de sa position dominante pour imposer son logiciel. À partir de là, Microsoft arrive dans une situation de quasi-monopole et la fortune de son fondateur ne fera que s’accroître jusqu’à en faire l’une des personnes les plus riches de la terre.
Une philanthropie bonne pour les affaires
Bill Gates finit alors par se mettre en retrait des activités informatiques et se prend de passion pour la philanthropie, comme ses parents. Ces nouvelles occupations engendreront une flopée de louanges de la part de nombreux médias, décrivant l’homme comme un modèle d’altruisme. Or, comme l’a démontré Lionel Astruc, à travers son livre, « L’art de la fausse générosité », les activités du milliardaire dans ce domaine cachent surtout une volonté de faire fonctionner ses affaires tout en se faisant une belle publicité.
En effet, comme l’explique le journaliste, les dons effectués par Bill Gates permettent d’alimenter le système capitaliste qui est à l’origine de son patrimoine. Le fait qu’une grande fortune offre une infime partie de ses biens ne règle absolument aucun problème social.
Une fondation qui nourrit ce qu’elle combat
Pire encore, les dons effectués par la fondation proviennent intégralement de dividendes récoltés via ces placements. Et ces investissements sont réalisés dans des entreprises loin d’être recommandables. Lionel Astruc explique ainsi qu’elle tire profit de sociétés exerçant dans les domaines de l’armement, des énergies fossiles (il alimente par exemple 35 des 200 sociétés les plus émettrices de CO² au monde), des laboratoires pharmaceutiques, des OGM, des pesticides, ou même de la malbouffe.
Difficile donc de soutenir que cette fondation défend un idéal philanthropique lorsque l’on sait qu’elle finance directement des activités qui nuisent à l’ensemble de l’humanité. Et pourtant, le milliardaire n’hésite pas à déclarer qu’il est préoccupé par la pauvreté ou le réchauffement climatique (bien qu’évidemment, en bon milliardaire, il se tourne vers le technosolutionniste). Notons tout de même qu’il s’est également ridiculisé en affirmant qu’Emmanuel Macron avait le leadership sur cette question.
Plus ridicule encore, certaines entreprises dans lesquelles la fondation investit reçoivent elles-mêmes des dons de Bill Gates. Il existe ainsi des conflits d’intérêts puissants avec Coca-Cola ou bien Monsanto. L’organisme philanthropique sert d’ailleurs de cheval de Troie pour promouvoir les OGM.
Un mépris pour les pays du Sud global
Alors qu’il essaie de se forger une image de proche du continent africain, Bill Gates n’a en réalité aucune confiance dans le continent et dans ses habitants. En effet, 95 % des dons de sa fondation passent par des structures occidentales.
Une étude de The Lancet a même démontré qu’il préférait systématiquement choisir de financer une solution qui offrirait aux marchés occidentaux des possibilités de se développer plutôt que d’aider des structures locales qui pourraient se pérenniser de manière soutenable.
L’obsession pour la technologie
On l’a vu, Bill Gates a fondé son empire sur la technologie. Et ce fait a profondément marqué sa façon de penser. Que ce soit la crise environnementale, la santé, l’alimentation ou encore la pauvreté, il est persuadé que l’on peut régler tous ces problèmes grâce à ce procédé.
C’est d’ailleurs un point de vue souvent partagé par de grands milliardaires américains, comme Elon Musk ou Jeff Bezos. Évidemment, remettre en cause le système qui les a portés aux nues serait beaucoup plus compliqué. Pour autant, aucune technologie ne transformera des ressources finies en ressources infinies.
Une fortune en constante augmentation
Certains nous assurent enfin que Bill Gates donnerait des sommes colossales qui l’amputeraient d’une grande partie de sa fortune. Pourtant, force est de constater que son patrimoine ne cesse de progresser. Entre 2010 et aujourd’hui, il est ainsi passé de 53 milliards de dollars à 107 milliards. Pas si mal pour quelqu’un ayant fait autant de terribles sacrifices.
Alors, comment expliquer que, malgré tous ces vices, Bill Gates, soit autant adulé par autant de personnes comme un modèle à suivre ? Son immense influence sur les médias n’y est sans doute pas étrangère, et il la doit en bonne partie à sa fondation. Selon MintPress, elle aurait fait don de plus de 319 millions de dollars à des organismes de presse du monde entier. De quoi s’acheter une belle réputation.