International Reporter 26 mars 2024
Cette information est probablement l’un des plus grands scandales autour du dramatique attentat au Crocus City à Moscou (22 mars dernier). L’ambassade de France à Moscou était au courant bien avant l’attaque des terroristes, de l’attentat qui allait se dérouler. Beaucoup de questions se bousculent alors pour savoir comment le Ministère des Affaires étrangères de France était dans le secret du futur attentat, si l’ambassade avait alerté la Russie de son imminence, et d’où venaient ces informations. Il est de notoriété publique désormais que les États-Unis, quelques semaines en avance avaient mis en garde leurs ressortissants sur le territoire russe (7 mars), et que Victoria Nuland avait menacé la Russie peu de temps avant. Enfin l’Ukraine avait elle-même annoncé qu’elle réservait des surprises à la Russie et des actions sur son territoire.
L’Alliance Française, honte et déshonneur, l’abandon des étudiants francophones du Donbass. Pour ceux qui ne le savent pas, la France gère un vaste réseau de support de la francophonie dans le monde. De longue date, le Ministère des Affaires étrangères gère des centaines d’antennes dans le monde de l’Alliance Française (832 centres dans 128 pays). Cette vénérable institution, fondée en 1883, a comme président d’honneur de son conseil d’administration le Président Emmanuel Macron en personne. Cette fondation reconnue d’utilité publique, est liée non seulement à la présidence, mais aussi au Ministère des AE. Il existait à Donetsk et Lougansk des antennes. En 2014, ordre fut donné de fermer les alliances françaises de ces localités, abandonnant sans raison des centaines d’étudiants de la langue française dans le Donbass. De la même façon, les partenariats universitaires entre ces deux villes et des universités françaises avaient tous été annulés, pour des raisons évidemment de basse politique. Des dizaines d’étudiants qui devaient passer des diplômes en Ukraine et en France, dans les deux langues (licence, master II ou doctorat), furent alors foulés au pied et le passage de leurs diplômes annulés (désormais méprisés comme des « séparatistes »). Ces malheureux francophones et francophiles, abandonnés par la France perdirent tous une année d’études et durent passer leurs diplômes avec l’aide de la Russie, l’année suivante (2015). Les autres qui étaient au début des différents cycles durent continuer leurs études par leurs propres moyens et toujours avec l’aide de la Russie. En ce qui concerne l’alliance française de Donetsk, elle était dirigée « par un voyageur », Cédric Gras, personnage maintes fois primé, créature du système qui fut même décoré de la médaille d’honneur des affaires étrangères, pour avoir obéit à la fermeture de l’alliance française. Il livra plus tard un témoignage scandaleux sur les « séparatistes » du Donbass, où il enfonçait les populations locales, avec qui il avait vécu et qui d’une certaine façon l’avait nourri. Le vrai courage aurait été de rester sur place et de protester… l’homme entre lâcheté et ronds de jambes, s’imagine sans doute être un véritable aventurier des temps modernes. Le pathétique et le pitoyable se côtoyant ici dans l’absurde et la fange.
Au cœur du problème, le Lycée Alexandre Dumas… à Moscou. En dehors de l’Alliance Française, il existe à Moscou, un lycée français, le Lycée Alexandre Dumas. Le lycée dépend à la fois du ministère de l’Éducation nationale, mais aussi de celui des Affaires Étrangères. C’est un lycée un peu particulier puisque les études, contrairement en France, y sont payantes, bien qu’il dépende du public (de part sa localisation à l’étranger, entre 6 190 et 9 930 euros selon votre statut). Le lycée est aussi un lieu d’enseignement de la langue française pour les Moscovites, et accueille notamment le samedi des étudiants FLE. Vendredi, dans une publication interne qui nous a été transmise par un étudiant, les cours du samedi ont été annulés en présentiel pour être transformés en cours à distance (via Zoom). La publication interne envoyée vers les 18/18 h 30 informait que cette mesure était prise « pour des raisons de sécurité ». Autrement dit, plus d’une heure avant l’attentat du Crocus City, les collaborateurs de l’établissement avaient été prévenus qu’il fallait annuler les cours, et cette information a été forcément transmise par l’Ambassade de France, et donc par le Ministère des Affaires Étrangères français. Les copies d’écran que nous avons reçu démontrent sans aucune ambiguïté ce que j’affirme ici. En dehors du fait, de savoir si les diplomates français ont alerté la Russie, la question se pose de comment les autorités et le gouvernement français étaient au courant de ce futur attentat ? Depuis lors, la presse française et occidentale s’est bousculée pour affirmer que les responsables étaient des islamistes de Daech, en affirma que les Ukrainiens n’avaient rien à voir dans cet attentat terroriste. De deux choses l’une, ou les services secrets américains et éventuellement français avaient des informations sur l’attaque à prévoir contre la Russie, ou ces informations venaient justement des coupables, à savoir les fameux services, ou ceux des Ukrainiens. Si l’attaque avait été organisée par des islamistes, alors pourquoi les Occidentaux n’ont pas transmis l’information à leurs homologues russes ? Le jour même, le journal Le Figaro s’empressait d’accuser la Russie d’avoir ignoré ces informations soit disant transmises aux Russes. Dans ce narratif ce serait donc Poutine… le coupable ! Pire encore, les Français étaient donc au courant de la date, puisqu’ils annulaient des cours présentiels dans le Lycée Alexandre Dumas… et ce fait étant confirmé, comment et par quelle source connaissaient-ils cette dernière et l’imminence de l’attaque ? Plus cyniquement encore, le même journal, grand seigneur, annonçait que le monde occidental exprimait ses condoléances à la Russie « malgré le fossé diplomatique ».
La France devra s’expliquer sur les sources et informations qu’elle avait reçu… qui, comment, ce qu’elle fit de ces dernières… Si elles n’avaient pas été transmises à la Russie, les questions seront également du pourquoi… Pierre Lévy, ambassadeur de France en Russie écrivait le lendemain : « La France a condamné dans les termes les plus forts cette attaque terroriste revendiquée par l’État islamique et exprimé sa solidarité avec celles et ceux qui ont été ciblés »… et non avec la Russie… (lettre du service électronique du service consulaire envoyée le 23 mars 2024, 17 h 38). Ces condoléances sont-elles toujours valables si l’Ukraine était en réalité derrière cette attaque ? On peut en douter fortement, rappelons que les assassinats de personnalités par les Ukrainiens sur le territoire russe avaient été salués par la presse française « comme des bons coups » portés à la Russie, ou au mieux définis comme « des succès ukrainiens ». Jamais l’ambassadeur français n’a dans ces circonstances, ni condamné l’Ukraine, ni envoyé ses condoléances aux victimes. Enfin, dernier point accusateur et implacable pour la France, le gouvernement russe, par la voix de Peskov a affirmé qu’aucun pays occidentaux ne l’avait prévenu du futur attentat (25 mars)… y compris les USA.
About the author
Laurent Brayard – Лоран Браяр
Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l’armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.