La Cnil a annoncé mercredi lancer « une procédure de contrôle » vis-à-vis du ministère de l’Intérieur, après la publication d’informations par le site d’investigation Disclose concernant l’utilisation non déclarée par la police d’un logiciel de vidéosurveillance.
Article rédigé parStéphane Pair – Edité par Thomas Destelle – Radio France
Une caméra de surveillance à Brest (Finistère). (FRED TANNEAU / AFP)
Ce logiciel se nomme « Vidéo Synopsis », il s’agit d’un outil qui permet, grâce à l’intelligence artificielle, d’analyser des images captées par des caméras ou des drones et d’identifier des individus en particulier. Dans le jargon on parle de VSA pour « vidéosurveillance algorithmique ». Ce logiciel a été créé par la start-up israélienne Briefcam, aujourd’hui propriété du groupe Canon.
Un déploiement sans cadre légal ?
Les informations de nos confrères de Disclose, si elles sont avérées, sont explosives car leur enquête affirme que dès 2015, donc sous François Hollande au lendemain de la vague d’attentats islamistes à Paris, et jusqu’à aujourd’hui, le ministère de l’intérieur aurait déployé sans vrai cadre légal ce logiciel en zone police et gendarmerie. Dans les services de sécurité publique de Seine-et-Marne, du Rhône, du Nord, des Alpes-Maritimes, de Haute-Garonne, mais aussi dans des services sensibles comme le Service interministériel d’assistance technique (Siat), chargée des infiltrations, de la mise sur écoute et de la surveillance de la grande criminalité.
Ce déploiement, selon Disclose, s’est fait sans aucune étude d’impact ni aucun cadre légal. Le législateur et la Cnil n’ont pas été avisés « et c’était voulu » affirme le journaliste Mathias Destal, de l’équipe de Disclose. « On obtient cette information par des échanges qui se font en interne par écrit entre plusieurs gradés, plusieurs fonctionnaires de police de différents services. Ces échanges stipulent, noir sur blanc, que le logiciel Briefcam est utilisé par plusieurs services mais comme celui-ci n’étant pas déclaré à la Cnil, il est préférable de ne pas en parler. Cela veut dire, et c’est ce que nous dit une source en interne, que n’importe qui dans un service avec le logiciel qui est installé sur un ordinateur, il vient avec une photo et il fait leur tambouille, et c’est tout le problème. »
Gérald Darmanin contre la reconnaissance faciale
Selon Disclose, les services concernés ont des ordinateurs dédiés à la « reconnaissance faciale » et cette aide à l’enquête ou à des missions d’ordre publique est très facile d’emploi. Nous avons sollicité le cabinet de Gérald Darmanin, qui nous renvoie vers la direction générale de la Police nationale (DGPN). Une façon de botter en touche sur ce sujet éminemment sensible et politique qui touche aux libertés publiques. Cela d’autant plus que le ministre de l’Intérieur a plusieurs fois, ces derniers mois, exprimé son opposition à la reconnaissance faciale. « Est-ce que je suis pour la reconnaissance faciale ? La réponse est non, déclarait Gérald Darmanin en octobre 2022 au Sénat lors de l’examen du texte sur les Jeux olympiques 2024. J’ai eu l’occasion de m’exprimer pour dire que pour un événement olympique, comme pour tout évènement, je ne suis pas sûr qu’il faille de la reconnaissance faciale. Après, cela pose la question de quelle société on veut. »
Selon les informations de Disclose, toute une partie de la police et de la gendarmerie disposerait pourtant et depuis longtemps de cet outil qui permet de reconnaître automatiquement n’importe quel citoyen