Article de Paris Match • 19 avril 2024
Des centaines d’enfants contaminés par le VIH – le virus du sida – ou l’hépatite C après avoir participé à une étude clinique sauvage – pour laquelle leurs parents n’avaient pas donné leur consentement. C’est le scandale sanitaire qui bouleverse aujourd’hui le Royaume-Uni.
« Des rats de laboratoire », « des cobayes »… Les survivants du « scandale du sang injecté » au Royaume-Uni n’ont pas de mots assez forts pour décrire ce dont ils ont été victimes dans les années 1970 et 80. La BCC, qui révèle ce nouveau scandale sanitaire, parle, elle, de « médecins qui placent les objectifs de la recherche avant les besoins des patients » et de « centaines de personnes infectées par le VIH ou l’hépatite C ».
Retour dans les années 70. À cette époque, le Royaume-Uni a connu une pénurie de sang et a été obligé d’en importer des États-Unis. Pays qui, pour répondre à la hausse de la demande, a autorisé des donneurs à « haut risque », tels que les prisonniers et les toxicomanes, à faire don de leur plasma. Problème : un grand nombre d’échantillons étaient infectés par des virus potentiellement mortels, comme l’hépatite C ou, plus tard, le VIH (le virus du SIDA). Et pourtant…
Ces échantillons contaminés ont quand même été utilisés, notamment pour en extraire du Facteur VIII, une protéine transportée dans le sang et qui a la capacité d’arrêter les saignements.
« Ma mère n’en a jamais été informée »
Or, à cette même époque, un hémophile anglais, le Dr Kernoff réalisait une étude clinique sur les effets du Facteur VIII traité thermiquement sur les enfants souffrant de troubles de la coagulation sanguine, en particulier les hémophiles. Il a donc demandé à ses collègues des centres d’hémophilie du pays de tester ce traitement sur des « patients n’ayant jamais été traités auparavant » (aussi appelés « hémophiles vierges »).
Et ceux-ci l’auraient fait même sans en avertir les familles des patients et en étant conscients du risque de contamination liée aux échantillons de sang utilisés. Luke, l’une des victimes de cet essai clinique sauvage, a ainsi expliqué à la BBC : « Mon traitement a été modifié pour que je puisse participer à des essais cliniques. Ce changement de médicament m’a fait contracté une maladie mortelle – l’hépatite C – et pourtant ma mère n’en a jamais été informée. »
« J’étais un cobaye dans des essais cliniques qui auraient pu me tuer », affirme-t-il, alors que son dossier médical indique que les médecins savaient dès 1993 qu’il avait été contaminé, mais que sa famille n’en a été informée qu’en 1997.
« Des rats de laboratoire »
Mais en croire les données recueillies par la BBC, Luke a eu « de la chance » dans son malheur. Car la majorité des enfants utilisés comme cobaye pour le Facteur VIII sont désormais décédés et ils se compteraient par centaines. Un bébé de quatre mois aurait même participé à un essai.
Un hémophile d’Alton, dans le Hampshire, a, par exemple, réalisé une étude sauvage « approfondie » sur des enfants handicapés et hémophiles scolarisés au Treloar’s College. Bilan : sur les 122 élèves inscrits entre 1974 et 1987, 75 sont aujourd’hui décédés des suites d’une infection par le VIH ou l’hépatite C.
« Nous étions traités comme des rats de laboratoire. Il y avait une pléthore d’études auxquelles nous étions tous inscrits pendant la décennie où nous étions à l’école », témoigne aujourd’hui un ancien étudiant, Ade.
Les résultats d’une vaste étude sur le sujet réalisée par le gouvernement britannique sont attendus le 20 mai.
Un parallèle avec le scandale français
En France, cette affaire fait forcément écho au « scandale du sang contaminé ». Entre 1984 et 1985, 2 000 hémophiles ont contracté le VIH ou une hépatite C suite à des transfusions de sang contaminé. Le gouvernement avait été alors mis en cause pour n’avoir pas mis en place des tests suffisants sur les donneurs et le sang collecté. Ce triste épisode est aujourd’hui considéré comme le premier scandale sanitaire en France.