Vaccinés contre la COVID, ils disent souffrir d’effets secondaires et veulent obtenir réparation: le laboratoire BioNTech, qui a développé, avec l’américain Pfizer, l’un des principaux vaccins sur le marché, comparaît depuis lundi pour la première fois en procès.
Cette audience judiciaire très attendue, censée durer plusieurs mois, a débuté lundi par une bataille procédurale.
« L’impartialité du juge a été questionnée par les avocats de la plaignante », a annoncé peu après le début de l’audience un porte-parole du tribunal.
Les défenseurs demandent notamment que le procès soit présidé par un collège de magistrats spécialisés en questions de santé et non un juge unique, « ce qui permettrait une réelle expertise », a justifié un des avocats, Marco Rogert.
Une prochaine session aura donc lieu « dans quelques jours », selon l’avocat. Le tribunal décidera alors « s’il reste dans cette disposition pour le procès ou s’il le confie à la chambre ».
Fatigue, AVC, thromboses
L’affaire est éminemment complexe. Fin 2021 débutait une campagne de vaccination d’une ampleur inédite face à une pandémie mortelle qui a entraîné le confinement de millions de personnes et la paralysie de l’économie mondiale.
Selon l’Agence européenne des médicaments (EMA), il a été estimé qu’au cours de la première année de la pandémie, les vaccins anti-COVID ont aidé à sauver près de 20 millions de vies.
Mais certaines personnes affirment qu’ils ont entraîné une dégradation de leur état de santé.
Des actions en justice ont été lancées dans plusieurs pays, comme la France ou le Royaume-Uni.
Quelques centaines de plaintes ont été déposées en Allemagne visant à faire reconnaître le lien de causalité entre cette vaccination et le développement de pathologies.
Le tribunal de Hambourg est ainsi le premier à se pencher sur une demande de réparation.
La plaignante dit souffrir d’effets tels que des « douleurs dans la partie supérieure du corps, gonflement des extrémités, épuisement, fatigue et troubles du sommeil » après avoir reçu le vaccin des laboratoires Pfizer et BioNtech, selon le tribunal.
Autant de problèmes « néfastes pour le travail » de cette médecin, employée dans un hôpital, « et qui ne peut plus travailler le même nombre d’heures » qu’avant, affirme un de ses avocats, Tobias Ulbrich, à l’AFP.
« Pour des raisons de santé », elle était absente lors de cette première audience. « Elle qui était sportive et qui faisait de l’aviron souffre aujourd’hui d’une fatigue chronique et d’un manque d’énergie au quotidien », a décrit M. Rogert.
Elle réclame au moins 150 000 euros (environ 215 000 $ CA) de dommages et intérêts, selon le tribunal.
Des centaines de plaignants
D’autres audiences sont à venir dans les prochains mois, l’avocat affirmant représenter 250 plaignants, « tous en bonne santé » avant de souffrir de symptômes qu’ils attribuent à la vaccination.
« Les symptômes sont très différents, cela va de l’AVC à la thrombose et aux maladies cardiaques », assure Joachim Cäsar-Preller, un autre avocat allemand, qui représente 140 clients dans des poursuites similaires.
Sur les 192 millions de vaccins administrés en Allemagne, l’institut scientifique Paul Ehrlich a reçu 338 857 signalements d’effets secondaires présumés, dont 54 879 cas jugés graves.
Le laboratoire BioNTech explique qu’à ce stade, « aucune relation causale entre les troubles de santé décrits et la vaccination n’a été prouvée dans les cas examinés ».
L’entreprise assure néanmoins, dans une déclaration à l’AFP, « prendre ses responsabilités » et « examiner chaque cas individuel avec soin, sur la base des informations disponibles ».
« Le producteur est responsable de son produit et c’est pourquoi on attaque BioNTech », a déclaré lundi M. Ulbrich.
Discrète pépite du secteur des biotechnologies, BioNtech a acquis une célébrité mondiale en s’associant avec Pfizer pour mettre au point un vaccin à ARN messager contre la COVID-19, vendu à des millions d’exemplaires.
Cette technologie innovante et la rapidité d’homologation du produit en raison de l’urgence sanitaire ont généré une importante vague de scepticisme et de désinformation sur le vaccin, mettant en cause sa sécurité.
« Long chemin »
L’existence de symptômes « post-vac » est néanmoins prise au sérieux par la communauté médicale en Allemagne où plusieurs hôpitaux ont mis en place des consultations dédiées.
Outre la voie judiciaire, des recours administratifs sont prévus en cas de complications vaccinales invalidantes. Plus de 8000 demandes de ce type avaient été déposées à mi-avril, et 335 ont été acceptées à ce stade, selon les médias allemands.
Les procédures judiciaires pour établir un lien de causalité avec les vaccins seront un « long chemin semé d’embûches », reconnaît l’avocat Joachim Cäsar-Preller.
D’après la loi, pour engager la responsabilité des fabricants, les effets secondaires doivent dépasser un « niveau justifiable selon les connaissances de la science médicale ».
Une plaignante, Kathrin K., âgée de 45 ans, estime que ses symptômes entrent dans cette catégorie.
Elle assure à l’AFP avoir perdu « 25 kilos en dix jours » après l’injection et avoir dû subir plusieurs opérations des intestins. « Je déteste que l’on me dise que je suis un cas isolé, ce n’est pas le cas », insiste cette ancienne vendeuse.